Jean LAFFRAY surnommé le père 52, avant de recevoir le prix Monthyon en 1864, a été soldat dans les armées napoléoniennes et à ce titre a été décoré de la médaille de Sainte Hélène.
Le PANTHEON DES BONNES GENS de Paul Fesel.
…L’exemple suivant est peut-être plus touchant encore, en ce sens qu’il nous montre une plus grande simplicité d’accueil et une plus noble émulation de dévouement.
Nous le rencontrons de même près de Beaugency, dans la commune de Baule, mais à une époque antérieure.
Un ancien soldat, médaillé de Sainte Hélène, Jean Laffray, aidé de sa femme Victoire Genty, a consacré depuis cinquante ans une modeste aisance à se faire l’hôtelier gratuit des pauvres passants.
(Issu du discours du Prince de Broglie de juillet 1864 sur les prix de vertu).
A toute heure, sa demeure est ouverte et l’ouvrier qui fait son tour de France, l’enfant des montagnes de Savoie ou d’Auvergne qui chemine pour la première fois seul dans le monde, le pauvre ménage que le salaire élevé de la grande industrie a attiré loin de son village natal et que le chômage y renvoie chargé de misère et d’enfants, trouvent sous cet abri, que chacun leur désigne du doigt, le repas du soir et le repos de la nuit. Jean Laffray ne leur demande qu’une chose : à tous le livret qui atteste leurs conditions laborieuses ; à la femme qui se présente au bras d’un homme, la preuve que son union est légitime.
Cet examen fait, (et chaque soir Laffray y procède avec la régularité d’un magistrat) la porte s’ouvre, la table est dressée, quinze ou vingt pauvres y prennent place et lui-même s’asseoit à côté de ses hôtes, mais au dernier rang et réclamant pour lui le droit de les servir. Le lendemain, il faut bien partir pour faire place à d’autres ; mais il est rare qu’on parte sans emporter quelque souvenir de Jean Laffray : c’est une pièce d’argent, un vêtement, pour les enfants un peu de linge blanc qui rafraîchit leurs membres délicats, ou une paire de sabot qui repose leurs petits pieds saignants. Pour ces besoins extraordinaires qui se reproduisent à peu près tous les jours, il y a dans les armoires de Jean Laffray, des provisions toutes préparées, où il puise sans cesse et qui ne sont jamais épuisées. Sa femme et lui, ont fait, pendant trente ans, des distributions de ce genre, presque chaque matin, tantôt ensemble, tantôt à l’insu de l’autre, sans que les dignes époux aient jamais échangé entre eux d’autres reproches que celui de n’avoir pas donné assez ou d’avoir donné sans prévenir et en se réservant pour soi seul le plaisir du bienfait.
Demeuré veuf depuis dix huit ans et n’ayant jamais eu d’enfant, Laffray serait seul sous son toit désolé, si chaque soir ne réunissait autour de lui la famille qu’il s’est créée. Il la voit s’accroître tous les jours avec une fécondité dont il s’applaudit. « Abondance de biens ne nuit pas « , dit-il. Mais frappant exemple de la puissance contagieuse de la vertu, on nous atteste que dans cette maison ainsi ouverte à tout venant, jamais un mot malsonnant n’a retenti, jamais le moindre objet n’a disparu. Quelques uns de hôtes se piquent même d’honneur et rapportent ou renvoient les petites avances que Laffray leur a faites ; c’est ainsi qu’il a reçu dernièrement de Marseille un mandat de 20 francs, somme prêtée par lui à un pauvre jeune homme. « c’était un prêt fait sur l’éternité ; je n’y comptais pas. Dieu m’enverra bien à qui les prêter encore. »
Nous avons 99 invités et aucun membre en ligne